Rupture amoureuse et… La partie manquante

Une rupture amoureuse peut facilement nous anéantir surtout si elle se couple avec d’autres drames en même temps ou relativement proches dans le temps…
Il y a 4 ans, Laurent, 46 ans à l’époque, rompt la relation qu’il avait avec sa compagne depuis 8 ans. Un mois plus tard ses parents décèdent soudainement à quelques jours d’intervalle. Il est licencié 3 mois plus tard dans le cadre d’une compression de personnel… Hum… il y a de quoi péter un plomb et pourtant…
 
Lorsque nous nous rencontrons, Laurent a 51 ans. Il a fait son deuil du décès de ses parents qu’il savait âgés et malades. Il y était plus ou moins préparé. Après son licenciement, il retrouve très facilement du travail et se reconverti dans le milieu automobile. Il aime beaucoup ce qu’il fait. Quant à son célibat, il le vit plutôt bien même s’il admet qu’il préférerait être accompagné dans sa vie.
« Alors quoi ? Où est le problème » allez-vous me dire…
 
Le problème est que malgré les 4 ans qui se sont écoulés depuis sa séparation, Laurent ne parvient pas à s’installer dans de nouvelles relations amoureuses sur la durée.
 
Il m’explique que quand ils ont rompu, sa compagne (nous l’appellerons Sybille) s’en est allée en emportant avec elle « une partie de lui ». Lorsque je lui demande ce qu’elle a emporté, il ne parvient pas à me répondre, il hésite, il ne sait pas. Tout ce qu’il sait, c’est qu’à présent, il lui manque quelque chose pour se stabiliser, pour être entier :
« C’est comme si j’étais assis sur une chaise dont il manquerait un pied. Je n’arrive pas à garder mon équilibre. Quand je pense qu’enfin je suis bien avec une femme et que je pourrais tomber amoureux, je me rends compte qu’il manque un truc. Oh non ! Pas chez elle. Il manque un truc… en moi ».
 
Alors, nous allons aller chercher ce « truc » qui manque et le remettre à sa place.
 
Sous hypnose, Laurent parvient à symboliser cette partie de lui qui a disparu, emportée par sa compagne. Je le fais visualiser Sybille face à lui : « Elle tient une branche à la main », me dit-il.
— Est-ce que c’est la partie manquante ?
— … … Oui, me répond-il.
— Vous pouvez me décrire cette branche ?
— Elle mesure environ un mètre de long. Elle est lourde et striée. Il y a des feuilles mortes accrochées dessus, mais elles ne tombent pas…
— Est-ce que la branche est… morte, elle aussi ?
— Non, je vois du vert sous l’écorce.
— A présent, que faites-vous ?
— Sybille est devant moi. Je tends la main pour qu’elle me rende la branche. Je prends la branche mais Sybille résiste. Elle ne veut pas me la rendre…
 
Il tente de tirer plus fort sur la branche mais la Sybille de son état hypnotique s’agrippe elle aussi.
— Que pourriez-vous faire pour que Sybille vous rende votre branche ?
— Je ne sais pas…
— Peut-être pourriez-vous lui parler, lui faire comprendre que vous en avez besoin ?
— Oui… Il faut qu’elle comprenne que c’est fini, qu’elle n’en a plus besoin. Que je la lui ai prêtée mais que, maintenant, c’est moi qui en ai besoin.
 
Alors, dans le silence du cabinet, Laurent, les yeux fermés, parle avec Sybille. Je n’entends rien, mais je devine ce qu’il se passe dans sa tête alors que je le guide : Il explique, il pleure, il lui dit enfin tout ce qu’il ne lui a pas dit lorsqu’ils se sont séparés. Il parle de sa douleur, de son sentiment de trahison, de rejet, sa solitude après son départ. Il lâche prise, pleure encore, longtemps… puis s’apaise.
 
A présent, c’est au tour de Sybille de répondre dans le silence du cabinet. Elle est là, face à lui, dans sa jolie robe d’été jaune et fleurie. Laurent écoute, il pleure, il sourit, puis ses épaules se détendent dans un profond soupir. Après quelques minutes, le bras de Laurent se tend devant lui et sa main semble attraper quelque chose et la tenir fermement.
Je l’entends dire « merci » dans un souffle… Il rapproche sa main de son buste et la pose, paume ouverte sur sa poitrine.
 
Sybille s’en va comme elle est venue dans l’esprit de Laurent, belle et douce, sereinement, le sourire aux lèvres. Elle fait un geste de la main pour dire « au revoir » puis s’éloigne jusqu’à n’être plus qu’un point minuscule à l’horizon de l’inconscient de Laurent avant de disparaître.
 
Je laisse Laurent remonter doucement, à son rythme vers la conscience et revenir « ici et maintenant ». Comme au sortir du sommeil, il ouvre les yeux, cligne pour les adapter à la lumière du jour, puis sourit.
 
Alors, curieuse, je lui demande ce qu’il a fait de la branche. Laurent raconte qu’il l’a greffé sur son tronc, qu’elle a retrouvé sa place :
« Elle est un peu abîmée, cette branche, mais elle est saine, elle va prendre, je le sais. »
 
Bien sûr, ni Laurent ni moi ne sauront jamais quelle était cette partie de lui qu’il a reprise. Peu importe car l’essentiel n’est pas là. Laurent a retrouvé son entièreté. Il a repris cette partie de lui qui manquait à son équilibre. D’ailleurs, je suis surprise que la branche ne se soit pas transformée en pied de chaise… Mais qui suis-je pour aller imaginer ce que seuls mes clients ont dans la tête ? 😉